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Education : une préoccupation majeure pour Hervé Morin

Publié le 27 Décembre 2011 par Noubar KECHICHIAN in Présidentielles 2012

morin2012L’école est le sujet de préoccupation majeure des Français, loin devant les retraites ou la sécurité. Quel est le véritable enjeu de la question éducative aujourd’hui?  Passer de la massification à la démocratisation. Au cours des trente dernières années, notre pays a en effet relevé de manière spectaculaire le défi de l’accès de tous à l’éducation et au savoir.  Mais la question de l’école bute aujourd’hui sur le qualitatif. Il ne s’agit plus seulement de réussir l’exploit que chacun des douze millions d’élèves ait un enseignant face à lui chaque matin, il s’agit que l’école pour tous soit aussi une école de la réussite pour tous.

Or, nous n’y parvenons pas. Notre école est républicaine du point de vue de son accès mais pas du point de vue de sa réussite. Il faut remettre l’élève au cœur de notre système d’enseignement. La dernière enquête Pisa,  réalisée par  l’OCDE, est particulièrement éclairante : notre école est bonne – et encore, pour les plus forts – mais inadaptée pour conduire vers la réussite les élèves les plus en difficulté. Contrairement à d’autres pays riches, notre système ne parvient pas à conjuguer performance académique et cohésion sociale.  Et d’enquête Pisa en enquête Pisa, la situation s’aggrave :
+ 33 % d’élèves en grande difficulté en dix ans, un niveau d’illettrisme de près de
20 %, et au total 254 000 « décrocheurs » de l’enseignement scolaire : des jeunes sortis du système scolaire sans aucun diplôme.

20 % des élèves qui entrent en 6e ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter. Ce résultat est d’autant plus préoccupant que notre dépense publique en matière d’éducation est une des plus élevées au monde et qu’elle n’a cessé de progresser au cours des dernières années. C’est bien la preuve qu’une addition de micro-réformes ne suffira pas à résoudre le problème.

C’est aussi la preuve que la question des moyens, même si elle n’est pas à esquiver, n’est certainement pas la solution miracle. Non, il ne suffit pas de créer 60 000 postes nouveaux d’un coup de « baguette magique » pour que tout aille mieux ! Comme nous avons su le faire pour l’Université, c’est d’une réforme structurelle que peut naître la renaissance de notre système éducatif. Regardons ce qui marche bien ailleurs comme en Finlande – 1er pays du classement Pisa – où les moyens sont concentrés sur les zones les plus difficiles et où les effectifs sont limités à 15 élèves par classe.

 Avant de songer à mettre encore plus d’euros dans le système, il faut déjà faire en sorte que les moyens actuels soient utilisés au mieux des intérêts des élèves. Transformons d’abord le système et voyons ensuite les moyens supplémentaires dont il a besoin.

 

1. Donner la priorité à l’école primaire

 

Mon premier objectif est de remettre l’école à l’endroit et de refaire de l’école primaire le socle de la réussite. Tout se joue dans les premières années du primaire, celles des apprentissages ; mais ni les moyens ni le cadre juridique ne sont à la hauteur de cet enjeu capital. 5 700 euros par élève pour le primaire et près de 10 000 euros par élève pour le collège et le lycée, sans même parler des classes préparatoires… En réduisant les programmes et les horaires insensés des collégiens et des lycéens, il serait possible d’affecter à l’école primaire une grande partie des recettes budgétaires ainsi dégagées. Ne faut-il pas non plus affecter des budgets plus importants à l’accompagnement individualisé en primaire, avec pour objectif symétrique de réduire considérablement le taux de redoublements ?  Enfin, le développement des écoles primaires doit s’inscrire dans un cadre juridique rénové tel que celui de l’établissement public, soit dans le cadre de groupements d’écoles soit dans des structures réunissant écoles et collèges. C’est une mesure de cohérence, et le moyen de mettre en place une autonomie de pilotage sur un espace suffisamment vaste.

L’école primaire pose aussi la question de l’âge de la première inscription, et donc la question de la scolarisation dès l’âge de deux ans. Nous pensons qu’il existe un chemin entre la vision exclusivement financière de la droite et l’irresponsabilité de la gauche. Sans la rendre obligatoire, nous proposons d’encourager la scolarisation dès l’âge de deux ans lorsque le contexte familial ou social l’exige, notamment dans les territoires le plus en difficulté, qu’il s’agisse des zones urbaines sensibles ou des zones rurales isolées. Pour beaucoup d’enfants issus de milieux défavorisés, l’école représente en effet le premier filet de sécurité sociale.

 

2. Donner de l’autonomie aux établissements scolaires

 

Tous les chefs d’établissement demandent la même chose : qu’on leur fasse enfin confiance ! Les projets d’établissement rencontrent rapidement leurs limites si on ne donne pas au chef d’établissement, ou à tout le moins à une gouvernance d’établissement, les moyens d’en être le pilote, y compris en matière de recrutement.

Pour remettre en marche « l’ascenseur » scolaire, il est indispensable qu’une autonomie accrue des établissements scolaires leur permette de donner une vraie réalité et surtout une vraie efficacité aux  projets d’établissement. L’autonomie est indispensable pour adapter la gestion des établissements scolaires à la diversité des contraintes, qui ne sont pas les mêmes en zone d’éducation prioritaire, dans un territoire rural ou dans le 16e arrondissement de Paris. Cette autonomie doit naturellement s’inscrire dans un cadre national, qu’il s’agisse des programmes ou du statut des enseignants. Une stratégie d’établissement, un projet, un contrat de mise en œuvre, négocié avec le recteur, avec des objectifs et des moyens, une évaluation : voici le schéma qui nous permettra de réconcilier excellence et cohésion sociale.

 

3. Repenser les rythmes scolaires

 

Nos rythmes scolaires sont d’un autre temps. Remettre l’école à l’endroit, c’est aussi repenser en profondeur le temps scolaire, le temps annuel comme les temps hebdomadaires et quotidiens. Notre économie rurale puis les pressions catégorielles diverses ont abouti à un calendrier scolaire, peut être bénéfique à beaucoup d’acteurs économiques, mais certainement pas aux enfants. Nous sommes l’un des pays où le nombre d’heures d’enseignement est l’un des plus élevés au monde, et en plus réparti sur le plus faible nombre de jours dans l’année. Sans compter le temps des devoirs, ou des cours de soutien privés pour certains, qui viennent encore charger ces cadences infernales. Nous proposons d’allonger le calendrier scolaire par une semaine supplémentaire d’enseignement début juillet et fin août, et dans le même temps, de réduire la durée de la journée scolaire en réservant intégralement les après-midi aux pratiques culturelles et sportives, ainsi qu’au soutien individualisé. Les rythmes scolaires doivent être repensés en lien avec le temps périscolaire et en concertation avec les collectivités territoriales qui financent notamment les infrastructures utilisées pour les activités périscolaires.

Il convient également de faire de l’école un lieu de sensibilisation en y développant notamment l’éducation à la santé. Il s’agit ainsi d’utiliser le milieu scolaire pour renforcer les politiques de prévention à destination du public adolescent. A cet égard, nous proposons le remboursement de la pilule pour les mineures à partir de 16 ans. Actuellement, seule la pilule du lendemain est gratuite est délivrée sans ordonnance pour les mineures.

 

4. Considérer le métier d’enseignant

 

La réforme de l’école doit s’associer à la reconnaissance des enseignants qui sont souvent les derniers remparts de notre République.

Grâce à l’autonomie des établissements, nous réussirons à inscrire le travail de l’enseignant dans un cadre plus sécurisé parce que plus collectif, et plus valorisant parce que plus riche en développement de compétences personnelles.

Le travail en projet d’établissement et le recrutement par une équipe de gouvernance sont une source supplémentaire d’intégration et de reconnaissance. L’enseignant doit également passer plus de temps au sein de l’établissement, en dehors de ses heures d’enseignement. La présence accrue d’adultes est une condition importante en matière d’individualisation, d’orientation, de sécurité. C’est pourquoi l’un de nos objectifs, contractualisé avec les collectivités locales, est que les enseignants puissent disposer d’un bureau, sinon individuel du moins partagé, permanent ou sur réservation. On ne peut pas demander aux enseignants d’augmenter leur temps de présence dans l’établissement sans leur garantir les conditions de travail et la reconnaissance sociale adéquates.

La réforme des retraites a rendu encore plus prégnante la question de la durée de l’exercice du métier d’enseignant. Peut-on enseigner, sans interruption ou presque de 22 ans à 67 ans ? Quelles évolutions professionnelles peuvent s’offrir aux enseignants dans le cadre de l’emploi public local, de la mise en disponibilité, du cumul d’emploi ou de la création d’entreprises, par exemple? Pourquoi ne pas faire bénéficier les enseignants eux-mêmes de la politique d’apprentissage ?

Si la réflexion peut être nationale, les solutions doivent être locales. Le développement de l’autonomie et l’apparition de nouveaux cadres juridiques permettront aussi de produire de nouveaux postes de direction ou d’encadrement qui seront aussi des solutions de diversification de carrière pour les enseignants désireux de donner un nouveau cours à leur carrière au sein de la communauté pédagogique.

De ce point de vue, le recrutement au niveau du master des jeunes enseignants et l’intégration des IUFM au sein des universités est un atout supplémentaire pour celles et ceux qui souhaiteraient après plusieurs années d’études, soit reprendre une formation, soit se tourner vers un nouveau métier. En revanche, la masterisation de la formation doit incorporer des stages pratiques d’une durée suffisante. L’alternance et l’apprentissage peuvent offrir le cadre adapté à ces pratiques de terrain.

De vraies propositions qui devront faire l’objet d’un vaste débat national. Nous proposons l’organisation, dans le mois qui suivra l’élection du nouveau Président de la République, d’États généraux de l’école et de la formation tout au long de la vie.

 

5. Faire de l’alternance une voie d’excellence au même titre que l’enseignement général

 

A travers les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation, l’alternance est la voie privilégiée d’accès des jeunes au marché du travail.  Trois ans après leur sortie d’école, 83 % des apprentis au niveau secondaire (CAP, BEP, bacs professionnels) ont décroché un emploi, contre 73 % pour la filière scolaire classique, selon une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq). Parce que c’est un sésame pour l’emploi, il faut favoriser le pré-apprentissage dès l’âge de 14 ans.

Mais les bénéficiaires de la formation en alternance ne doivent pas être considérés comme des sous-salariés. C’est pourquoi il faut permettre le développement de véritables filières d’excellence -  comme cela existe pour l’enseignement général – à travers la création d’universités des métiers. Les différents corps de métier pourraient ainsi s’appuyer sur des structures de formations mieux reconnues et plus attractives. La création d’universités des métiers doit également offrir des perspectives aux bacheliers professionnels et les inciter à poursuivre ou à reprendre des études après leur baccalauréat.

La création d’universités de métiers va de pair avec un développement massif de l’apprentissage qui bénéficie aujourd’hui à 600 000 jeunes. Il est proposé de doubler ce nombre au cours de la prochaine législature. Des apprentis en nombre insuffisant et des voies d’alternance pas suffisamment reconnues, c’est un double handicap pour notre jeunesse et pour notre pays.

La reconnaissance de l’apprentissage suppose aussi d’améliorer les conditions matérielles des apprentis. Ceux-ci doivent pouvoir bénéficier de la carte d’étudiant et des avantages liés à ce statut, en particulier en matière d’accès au logement.

Je propose également de doter l’apprentissage d’une dimension européenne, en créant un
« Erasmus des apprentis ».

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